Aujourd’hui considéré comme indicateur incontournable, le taux de CO2 reste malgré tout encore mal interprété. Dans cet article, nous allons tenter d’y voir plus clair et de vous donner des exemples précis sur l’évolution du CO2 dans un dortoir.
Le dortoir d’une crèche ou d’une école maternelle est une pièce particulière. Cette pièce va rassembler sur une durée de quelques heures plusieurs enfants. De plus, il n’est pas possible d’ouvrir une fenêtre pour aérer.
Alors comment faire pour réussir à ne pas dépasser les 800 ppm recommandés par le Haut Conseil de la Santé Publique ?
Tout d’abord, il faut bien comprendre qu’en air intérieur la principale source naturelle de CO2 est la respiration. Le principe de production de CO2 par la respiration est le suivant :
En air intérieur, la concentration de CO2 est utilisée comme indicateur du niveau de confinement de l’air. Elle est extrêmement dépendante de l’occupation humaine et du renouvellement de l’air dans les pièces. Pour comprendre cela, nous allons prendre conscience de deux notions :
Et
Le renouvellement de l’air intérieur par l’aération et la ventilation est plus qu’important pour assurer un confort optimal et préserver la santé des occupants. En effet, une pièce avec un bon renouvellement d’air et au taux d’occupation respecté présentera un confinement de l’air faible. Et donc un plus faible risque d’accumulation du CO2 et d’autres polluants ou encore de contaminants aéroportés.
A retenir : Concentration de CO2 = respiration = indicateur de renouvellement d’air.
De nombreux paramètres rentrent en compte pour prédire comment va évoluer la concentration en CO2 dans un dortoir. Le nombre d’enfants présents simultanément, la présence ou non d’un système de ventilation, son bon fonctionnement et dimensionnement. Tous ces paramètres vont influencer l’évolution du CO2. Afin de mieux comprendre cela, nous partageons avec vous deux exemples concrets.
La courbe suivante est caractéristique de l’évolution du CO2 dans une pièce type dortoir avec une occupation importante et un renouvellement de l’air faible.
A l’arrivée des enfants dans la pièce, le taux de CO2 est de 550 ppm soit une concentration en CO2 très faible. Ensuite le CO2 augmente de manière quasi linéaire pendant 1h30 avant d’atteindre un plateau en fin de sieste où les enfants se réveillent progressivement. Ensuite la pièce est inoccupée et le taux de CO2 diminue rapidement avec l’aide d’une aération manuelle (porte ou fenêtre ouverte).
En chiffres :
La courbe suivante permet de se rendre compte que dans un dortoir avec un système de ventilation efficace et un taux d’occupation respecté, la concentration recommandée de 800 ppm n’est jamais dépassée.
Réussir à ne pas dépasser 800 ppm pendant toute la durée de la sieste est un réel défi. Dans notre exemple, le système de ventilation permet de plafonner la valeur en CO2 maximale à 750 ppm. Cela sous-entend que ce système de VMC est bien dimensionné avec un débit adéquat par rapport à l’usage de la pièce.
A l’arrivée des enfants, la concentration en CO2 est de 408 ppm, soit approximativement la concentration la plus basse possible dans un environnement intérieur. Ensuite la concentration augmente progressivement pour atteindre un plateau à 750 ppm au bout de 45 min. Enfin le CO2 diminue progressivement en fin de sieste.
En chiffres :
Même si les recommandations sanitaires vont dans ce sens, l’usage de certaines pièces comme les dortoirs font qu’aujourd’hui, il est très difficile de réussir à respecter ce seuil de 800 ppm. Sur l’ensemble des dortoirs où nous avons pu mener des mesures depuis 8 ans, 95% des dortoirs ont tous dépassé au moins 1 fois les 800 ppm sur une semaine de mesures.
Voici trois exemples de dortoirs pour lesquels le seuil de 800 ppm est dépassé en quelques minutes après l’arrivée des enfants dans la pièce.
Les rares dortoirs ayant réussi à ne pas dépasser ce seuil sont ceux équipés avec des VMC très performantes et des taux d’occupation faible. Nous savons que pour beaucoup d’établissements, il n’est pas possible de faire installer des VMC ou de réduire le nombre d’enfants dans la pièce.
Pour les bâtiments neufs, il est primordial d’intégrer des la conception la mise en place d’une VMC dans toutes les pièces dans lesquelles des enfants vont passer plusieurs heures par jour. Cette VMC doit être idéalement dimensionnée pour assurer à la fois un renouvellement d’air efficace, une préservation du confort thermique et aussi de ne pas dégrader le confort acoustique. Nous l’avons vu dans notre cas concret n°2, cela est tout à fait possible. Par la suite, durant l’exploitation de la structure au fil des ans, il est important de veiller à la maintenance et au nettoyage pour permettre un bon fonctionnement des systémes de ventilation.
Astuce : pour vérifier qu’un système de ventilation fonctionne, il suffit de prendre une feuille de papier toilette ou une feuille d'essuie-tout. Placez la feuille devant la bouche d'extraction de la ventilation. Si la feuille se colle à la grille, c'est que la VMC l'aspire et fonctionne. Dans le cas contraire, le système ne fonctionne pas. Pour les bouches de soufflage pour les doubles flux, le principe est le même excepté que la feuille doit être repoussée.
A propos de l’aération en ouvrant les fenêtres, nous savons que cela n’est pas possible durant la sieste. L’idéal étant d’aérer très brièvement avant l’arrivée des enfants pour que la sieste débute avec une concentration en CO2 la plus basse possible. A savoir, un courant d’air bref et traversant est toujours plus efficace qu’une faible aération sur plusieurs heures (surtout si l’on souhaite préserver le confort thermique).
Une attention particulière doit être apportée au bon détalonnage des portes. Cela permet une meilleure circulation de l’air lorsque la porte doit rester fermée durant la sieste. Le détalonnage consiste à raccourcir le bas des portes de quelques centimètres (attention, cela ne concerne pas les portes coupe-feu).
Beaucoup recommandent d’installer un purificateur d’air, il faut bien comprendre qu’un purificateur n’aura absolument aucune action sur le renouvellement de l’air et sur la concentration en CO2. Dans le cas où leur entretien est rigoureux, les technologies filtrantes HEPA ou à charbon actif sont efficaces pour piéger les aérosols et polluants. Attention toutefois, dans un dortoir, le bruit généré par un purificateur d’air peut être dérangeant.
En conclusion, nous voyons bien que réussir à ne pas dépasser les 800 ppm de CO2 dans des pièces de type dortoir est un vrai défi. En effet, les recommandations d’ouvrir les fenêtres ou les portes n’y sont pas applicables quand les enfants sont présents. Il reste alors deux paramètres sur lesquels agir : améliorer la circulation d’air grâce au système de ventilation et adapter le taux d’occupation.