Face aux nouveaux usages des bâtiments, aux nouvelles attentes des occupants et une interopérabilité croissante des équipements, la technologie de capteurs en continu de la qualité de l’air intérieur prend tout son sens.
Nous avons pu participer et apporter notre expertise sur la note de cadrage réalisée par l’Alliance HQE-GBC France*. Cette note coordonnée par Mr Fabien Squinazi a été rédigée avec le concours de certains de nos confrères et des experts dans le domaine de la qualité de l’air.
Jusqu’à encore récemment, la mesure de la qualité de l’air intérieur se faisait exclusivement sur des campagnes de mesures passives sur une durée définie. Principalement sur des périodes de 5 à 7 jours et idéalement répétées sur différentes saisonnalités. Ces techniques reconnues sont normées et disposent de références techniques solides.
Le résultat d’une campagne de mesure passive sur une durée définie est une valeur cumulative du polluant ou paramètre investigué. Cette valeur est alors comparée à des valeurs guides d’exposition long terme.
Avec ce type de mesures, il est difficile de détecter des anomalies ou des sources ponctuelles de polluants dans l’air. En effet, à titre d’exemple, un résultat de mesure passive peut indiquer 17 µg/m3 de Formaldéhyde sur une période du lundi au vendredi. Toutefois, il est impossible de savoir si l’exposition aux polluants a lieu en continu ou plutôt uniquement la nuit avec un arrêt du système de ventilation par exemple.
Pouvoir mesurer en continu la qualité de l’air intérieur et avoir un suivi dynamique prend alors tout son sens. Nous sommes convaincus qu’une mesure en continu et qu’une mesure passive sont complémentaires et correspondent à des usages et des besoins bien distincts.
Le tableau ci-dessous, issu en partie de la note de cadrage, résume et compare les 2 techniques :
Avant de commencer à lister les avantages et également certains inconvénients, nous pensons qu’il est bon de rappeler certaines définitions sur les termes utilisés dans cet article. Ainsi, nous appelons capteur d’air, le boitier de mesure pouvant contenir un à plusieurs micro-capteurs. Ces micro capteurs seront responsables de la prise de mesure pour un polluant ou un groupe de polluant défini.
L’avantage le plus important dans l’utilisation de capteur de mesure de la qualité de l’air intérieur en temps réel réside dans le fait que la donnée est disponible de façon quasi instantanée. Avec ces données, il est alors possible d’alerter, d’analyser et d’optimiser la gestion d’un bâtiment. Que ce soit en termes d’occupation, ou en termes de pilotage des équipements.
La donnée qualité de l’air est alors visualisable selon les cas directement sur le capteur ou via une interface web ou mobile. Et enfin, une donnée en temps réel peut également être utilisée dans un écosystème de bâtiment intelligent afin de participer au pilotage des équipements et optimiser les consommations énergétiques.
Les principaux inconvénients lors de l’usage de capteurs pour mesurer la qualité de l’air sont la nécessité de requalifier la donnée récoltée avant de pouvoir lui donner un usage et la non-sélectivité d’un composant chimique en particulier. En effet, nous pouvons citer par exemple, avec les technologies d’aujourd’hui, la non-possibilité de mesurer le Formaldéhyde précisément en temps réel ou encore la complexité de la mesure des oxydants tel que le Dioxyde d’Azote NO2 ou l’Ozone O3 qui ont, en simplifiant, une forte réactivité entre eux.
De plus, l’utilisation de micro-capteur pour mesurer des polluants implique d’accepter une marge d’erreur légèrement plus importante. Cela va dépendre de la technologie de mesures choisie, qui va aussi être responsable du niveau de prix.
En conclusion sur cette partie, nous voyons bien ici la grande différence entre des techniques de mesures dites passives en comparaison à des mesures dynamiques. La première permettant d’avoir une marge d’erreur très faible et une très bonne sélectivité mais aucune information sur les variations et les tendances de pollution sur une durée donnée. Dans le cas de mesures en continu, le suivi permet d’identifier à chaque instant l’évolution de la qualité de l’air intérieur. Les contraintes liées aux marges d’erreurs et à la non sélectivité sont contrebalancées à l’aide de savoir-faire algorithmique et en traitements poussés de la donnée.
Une donnée de qualité de l’air intérieur en temps réel a aujourd’hui principalement deux usages :
A partir d’une donnée d’un polluant ou d’un paramètre mesuré par un capteur, il existe un grand nombre de possibilités d’usage.
La plus basique réside dans la retranscription directe sous forme de courbe de l’évolution du polluant dans le temps.
Pour plus de simplicité, des codes couleurs peuvent être intégrés pour apporter une meilleure lisibilité. Ces codes couleurs sont propres à chaque marque. Nous attirons l’attention sur l’importance de pouvoir moduler ces seuils en fonction du type d’environnement dans lequel les mesures ont lieu. Chez Cozy Air, nous avons fait le choix d’avoir uniquement 3 niveaux de couleurs allant du niveau bon au niveau mauvais en passant par le niveau moyen.
Ensuite, il est possible de mixer les données pour en sortir des indices ou des indicateurs de performances spécifiques. Ces indicateurs vont agréger uniquement certaines données et vont appliquer des règles de tri spécifique à chaque marque, telles que la durée d’exposition, priorisation des polluants, la récurrence de pollution. Comprendre la qualité de l’air intérieur devient alors plus simple, plus besoin de connaitre la signification des ppm ou µg/m3.
Enfin, il est également possible que l’utilisateur ne voit à aucun moment la donnée de qualité de l’air puisque celle-ci est directement traduite en situation de pollution et par la même occasion en conseils et bonnes pratiques. Nous pouvons prendre pour exemple, une personne chez soi fait de la cuisson avec une émission de fumée (particules dans l’air). Finalement, peu importe pour l’utilisateur s’il y a 73 ou 120 µg/m3. L’important c’est de comprendre ce qu’il se passe : je fais de la cuisson. Et encore plus, recevoir le moyen le plus rapide pour agir : j’aère 5 à 10min.
Nous voyons bien ici que chaque visualisation correspond à un usage différent et dans la plupart des cas il s’agit bien d’utilisateurs différents. Le gestionnaire va souvent vouloir rentrer beaucoup plus dans le détail de la qualité de l’air tandis qu’un occupant va chercher à comprendre et agir très rapidement pour limiter son exposition à la pollution.
A ce jour, une donnée « qualité de l’air » n’est pas considérée comme une donnée personnelle car elle ne permet pas de l’associer à un individu directement. Toutefois, il s’agit d’une donnée sensible qui doit être protégée.
Dans le cas d’une campagne de mesure “passive”, le client est le propriétaire des données. La même règle s’applique pour les capteurs quel que soit la forme de la donnée (brute ou interprétée). Il est très important pour toute personne souhaitant intégrer la mesure en temps réelle de la qualité de l’air intérieur dans son bâtiment de spécifier les attentes en termes de propriété de la donnée. Et surtout qu’aucune utilisation ultérieure ne pourra en être faite sans accord du propriétaire des données. De même, il est conseillé de définir une durée de conservation des données, les laboratoires conservent généralement pendant 3 mois les résultats d’analyses. Dans le cas de mesures en temps réel, des durées de conservation sont souvent nécessaires afin de pouvoir effectuer des comparatifs poussés sur des durées s’étalant parfois sur plusieurs années.
Dans le cas de suivi en continu de la qualité de l’air en milieu résidentiel, il est important de préserver la vie privée des occupants. Ainsi, les données issues d’un logement en particulier ne doivent être accessibles que pour l’occupant de ce logement. Le gestionnaire ou l’exploitant de bâtiment ne doit pas avoir accès aux données de l’occupant. En effet, avec des données de qualité de l’air, il est, par exemple, tout à fait possible de savoir si un occupant est présent ou non dans son logement.
Le tableau ci-dessous regroupe les technologies actuelles de mesures de la qualité de l’air intérieur en temps réel :
Avant de choisir le capteur d’air correspondant à vos besoins, vous êtes en droit de demander les informations suivantes au fournisseur :
- Le principe de mesure
- Le temps de réponse (temps de mise en route, temps de montée, temps de recouvrement)
- La méthode de calibration
- La sensibilité, la limite de détection, la limite de quantification, et l’incertitude de la mesure
- La méthode et la cadence d’auto calibration si nécessaire
- La fidélité de la mesure (répétabilité, reproductibilité)
- La dérive dans le temps
- Les facteurs d’influence et les interférents potentiels
- La périodicité des maintenances et la durée de vie
Ces spécifications techniques permettent de s’assurer de la fiabilité du fabricant et de la bonne réponse face aux besoins terrains.
Pour assurer un bon usage des données de la qualité de l’air intérieur en temps réel, il est important que le capteur réagisse rapidement à des évènements de pollution. Il est alors nécessaire de trouver un juste équilibre entre la représentativité des locaux investigués, le nombre de capteurs à déployer et le pas de temps de mesures des capteurs.
Il est recommandé d’installer les capteurs en fonction de l’architecture aéraulique du bâtiment, en définissant des blocs homogènes ou groupe de pièce représentatives. Ces blocs ou groupes des zones de bâtiment présentant des propriétés de construction similaires (revêtements, vitrages, circuit de ventilation ou de climatisation, perméabilité à l’air, exposition à la pollution extérieure, etc.). Il faut éviter les endroits trop exposés au soleil et aux courants d’air, les zones de soufflage d’air neuf, ou trop en hauteur, dans des recoins, derrière des rideaux, à proximité des portes et ouvrants.
Le pas de temps de mesure des données dépend de l’usage défini. Cela peut aller de quelques minutes à une dizaines de minutes avec un point de mesure unique ou une moyenne.
Pour des mesures dites classiques, le pas de temps est généralement de 10 minutes. Ce pas de temps permet des interprétations sur le renouvellement d’air.
Pour un usage centré sur le pilotage du bâtiment ou la détection de situation de pollution, un pas de temps de 3min, est selon nous, plutôt cohérent.
Le pas de temps va varier également du choix de l’alimentation du capteur. En effet, un capteur sur batterie ne pourra pas collecter en continu des données, le capteur fonctionne une fois toutes les 10min pour faire sa mesure, envoie la mesure puis se rééteint. La précision est donc moindre qu’avec un capteur alimenté sur secteur ayant une mesure en quasi-temps réel.
En conclusion de cet article, nous avons pu faire la distinction entre des mesures traditionnelles “passives” qui sont aujourd’hui très normalisées et des mesures “dynamiques” utilisant des technologies de micro capteurs innovants. Aucune de ces techniques ne doit se substituer à l’autre, le besoin de l’utilisateur étant différent. Nous insistons bien sur la complémentarité entre une mesure précise et non contextualisée face à une mesure informative et contextualisée.
Enfin, face à une méconnaissance, une jungle de solutions de mesures en temps réel de la qualité de l’air et un manque de normalisation, il est très important de bien comprendre les technologies, leurs limites et leurs usages. Un simple capteur de qualité de l’air intérieur ne donnera jamais d’usages fiables tant que la donnée ne sera pas traitée par un savoir faire expert en qualité de l’air.
*Alliance HQE-GBC France est l’alliance des professionnels pour un cadre de vie durable. Elle rassemble syndicats, fédérations professionnels, sociétés, collectivités et professionnels à titre individuel.